Emmanuel Macron a la fâcheuse habitude de se mettre en position de soumission dans des pays étrangers qui furent jadis colonisés par la France.
En Algérie, où c’est proprement mettre de l’huile sur le feu que de se présenter comme détestable aux yeux d’un certain nombre de gens qui nous haïssent déjà et n’attendent que de nouvelles raisons de nous mépriser, mais également en Côte d’Ivoire où il a récemment fait savoir que la colonisation était « une erreur profonde, une faute de la République ».
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Or, si l’on veut vraiment examiner le passé de la France à cette aune, il va falloir ne pas se contenter de dire que le colonialisme fut « une erreur profonde, une faute de la République », ou que Vichy (qui, en passant, était une République ayant renoncé à elle même par voie parlementaire, via les députés de la chambre du Front populaire …) fut « une erreur profonde, une faute de la République », car ça ne suffira pas! On va devoir en effet reprendre tout à zéro et affirmer aussi que l’assassinat de Louis XVI, de Marie-Antoinette, ainsi que la mort à petit feu de leur enfant de dix ans, Louis XVII, le tout organisé par les Jacobins, ont constitué « une erreur profonde, une faute de la République ». Il faudra également dire que la Terreur, avec ses quarante mille morts, a été « une erreur profonde, une faute de la République », que le génocide vendéen, avec ses cent cinquante mille morts, a été « une erreur profonde, une faute de la République », que les guerres impérialistes de 14-18 avec leurs dix huit millions de morts ont été « une erreur profonde, une faute de la République ». Ou bien encore, puisque l’anachronisme est de sortie, allons-y donc, estimer que les Croisades, avec leur presque trois millions de morts, ont été « une erreur profonde, une faute de la République -monarchique… », de même avec les guerres napoléoniennes qui, avec leurs trois millions de morts également, ont été « une erreur profonde, une faute de la République -impériale… ».
On n’en sortira plus car l’Histoire, cher Manu, y compris l’Histoire de France, est faite de bruit et de fureur, de sang et de larmes, de cadavres et de charniers, c’est comme ça depuis le début du monde et ce sera ainsi jusqu’à la disparition des hommes. L’Histoire est tragique, elle n’est pas assimilable à celle qu’on montre dans les parcs de loisirs avec Mickey ou Astérix…
Par ailleurs, il serait bon qu’on pense l’Histoire partout où elle a eu lieu, c’est misère d’avoir à le dire, et de ne pas oublier que, certes, les blancs furent de fieffés méchants avec la traite négrière, mais que celle-ci fut inventée par des musulmans. Or, cette traite orientale a duré du VII° siècle, sous Mahomet qui théorise la chose dans le Coran, à 1920, soit pendant treize siècles, elle a concerné dix-sept millions de noirs et un grand nombre de blancs raflés dans le sud de l’Europe. La traite négrière occidentale a commencé au XV° siècle pour se terminer au XIX° -soit pendant quatre siècle, autrement dit quatre fois moins longtemps. Il faudrait stigmatiser non pas seulement le colonialisme français, mais aussi tous les colonialismes de tous les peuples, en tous les temps, car la guerre tribale qui vise à imposer sa loi aux vaincus est la loi du genre depuis que les hommes s’entre-tuent sur la planète. A la période préhistorique, les guerres entre tribus supposent l’asservissement des peuplades vaincues réduites à l’état d’esclaves. C’est moins une spécificité française qu’une vérité de la nature humaine!
Il faudrait également penser les génocides dans l’Histoire afin d’éviter de croire qu’avec les Arméniens et les juifs, ce serait une invention du seul XX° siècle européen et blanc: qui dit, par exemple, que l’Empereur mongol Gengis Khan a exterminé un cinquième de la population mondiale de son temps au XII° siècle? On lui doit en effet quarante millions de morts… Et Tamerlan, le chef de guerre musulman, dit aussi Timour le boiteux, qui a tué vingt millions de personnes? On sait que ses troupes faisaient des pyramides de crânes pour terroriser ses ennemis: 70.000 à Ispahan, 90.000 à Bagdad, 100.000 à Delhi. Sur ses ordres, 400 Arméniens ont été enterrés vivants en Anatolie, et ce parmi une quantité d’autres exactions. Et que dire de la conquête des Indes par les musulmans qui ont généré le massacre de l’Hindou Kush, soit quatre vingt millions de morts sur plusieurs siècles? Il faudrait aussi ne pas oublier le million de morts tutsis au XX° siècle… Cessons-là.
Si l’on veut dire que le colonialisme français a été sanglant et inhumain, on le peut, car c’est vrai. Mais il faudra ajouter que, pour faire de l’histoire de la guerre d’Algérie et non de l’idéologie, sur les 150.000 combattants musulmans morts, 12.000 ont été tués par les musulmans eux-mêmes à cause de leurs luttes internes afin de s’imposer comme leaders du mouvement indépendantiste. 25.000 soldats français sont morts et 70.000 harkis ont disparu, tués par leurs coreligionnaires, 6000 civils européens ont eux-aussi été rayés de la carte, les crimes de l’OAS ont généré 100 morts, l’armée française a torturé, en effet, mais les indépendantistes aussi. Qui saura combien? Qui dira le nom de ces tortionnaires? Ce serait pourtant le prix à payer pour faire de l’Histoire, autrement dit abolir les mythologies qui font tant de ravages dans la partie la moins éclairée de la communauté musulmane et au-delà d’elle.
Or, un demi-siècle plus tard, l’heure n’est pas aux comptages, mais à la paix –surtout pas à l’huile sur le feu, qui plus est versée par un président de la République française! De Gaulle avait proposé la paix des braves aux indépendantistes en revenant au pouvoir en 1958: ces derniers n’en ont pas voulu… Il faut aujourd’hui la proposer à nouveau en faisant de l’histoire et non de la repentance: établissons les faits et arrêtons les mythologies de part et d’autre. La repentance est la maladie de l’ignorant qui méconnaît l’Histoire et ne pense qu’en terme de moraline – qui triomphe en fausse morale d’une époque sans morale.
En vertu du principe de l’effet papillon, quand Macron ne fait pas de l’Histoire mais de l’idéologie alors qu’il se trouve en Algérie, il répand de la poudre chez les jeunes Français d’origine algérienne qui ne veulent pas s’intégrer justement parce que la France est passée d’un temps sans repentance, une erreur, à un temps où il n’y a plus que repentance, une autre erreur. Faire de l’Histoire, vraiment, et non se raconter des histoires avec les idéologues de l’Etat maastrichtien, c’est savoir que l’Histoire est tragique et sanglante, qu’elle n’est pas la lutte du Bien facile à identifier contre le Mal aisé à désigner, ce serait trop simple, qu’elle n’est pas jeux d’enfants avec un Bien de jadis qui, avec le temps, deviendrait le Mal de ce jour, ce serait encore plus simple, mais lutte des hommes entre eux pour des raisons éthologiques: c’est toujours la bête en eux qui combat pour un territoire -le conquérir, le posséder, le défendre, l’élargir. Toute polémologie se réduit à cela; toute irénologie aussi.
Le rôle d’un président de la république n’est donc pas d’exciter les chiens mais de les calmer, non pas de monter les peuples, les pays et les nations les uns contre les autres, ou bien, avec les gilets-jaunes ou les grévistes opposés au plan maastrichtien de modification des retraites, de soulever une partie des Français contre une autre, ce qui est le principe même de la guerre civile, mais de pacifier les meutes, de les tenir, de les retenir, de les empêcher de se lâcher.
Il y a pour ce faire le langage qui est l’instrument diplomatique par excellence; or cet homme se tait quand il faudrait parler et parle quand il devrait se taire, il est à l’inverse de Jupiter. Quand il brise le silence, il recourt à la provocation et au mépris, à l’arrogance et à la morgue, au cynisme ou au sarcasme. Comme un adolescent mal dans sa peau, mais sûrement pas comme un lecteur des Mémoires de Charles de Gaulle en Pléiade qui aurait lu et assimilé ce grand œuvre …
Ce jeune homme au sang vif met le feu partout où il passe; à croire qu’il ne cherche que ça, comme le pompier pyromane aspire à l’incendie afin de mieux se présenter la minute qui suit en soldat du feu dévoué! On sait que le désordre fait toujours le jeu de l’aspirant autocrate. Qu’on y prenne garde.
Pourquoi, sinon, demander au rappeur Vegedream qui avait écrit dans l’une de ses chansons: « J’vais niquer des mères. J’vais tout casser… Sale pute, va niquer ta race! »? Un président de la République constitue la délégation qui l’accompagne afin qu’elle soit représentative du pays qu’il incarne: n’y-avait-il d’autre message à faire passer à la Côte d’Ivoire en matière, disons… culturelle [1]? Est-ce ce que la France fait de mieux: célébrer ceux qui veulent la niquer? Et ce avec l’argent du contribuable?
La leçon de l’apprenti sorcier devrait le retenir un peu: Macron lâche dans la nature beaucoup trop de balais qui deviennent fous, au national et à l’international. Dans le poème de Goethe, l’apprenti sorcier est sauvé par le maître qui reprend les choses en main et fait tout rentrer dans l’ordre. Or, nous ne sommes pas dans la configuration goethéenne. Car, en ce qui nous concerne, l’apprenti sorcier, c’est ici le maître ! On peut donc craindre sans trop se tromper que cette furie n’entraîne un jour d’assez terribles débordements.
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