Le 9 avril dernier, les députés ont rejeté le texte élaboré par le commission mixte paritaire sur le projet de loi « protection de la création sur internet », plus connu sous le pseudonyme de « loi hadopi ». Cette semaine, ce texte revient devant les députés, ce qui suscite un certain étonnement : comment peut-on reproposer un texte qui a été rejeté ?
Il faut reprendre du début. Un texte de loi est adopté quand il a été voté dans les mêmes termes par l’Assemblée nationale et le Sénat. Lors de la première lecture, chaque assemblée examine l’ensemble du texte. Si au terme de la première lecture, des dispositions sont votées « conforme » (c’est à dire dans les mêmes termes), elle sont définitivement adoptées, on n’y reviendra plus.
Normalement, mais c’est de moins en moins souvent le cas, le texte revient en deuxième lecture dans la première assemblée à l’avoir examiné. Si c’est l’Assemblée qui a examiné le texte en premier, cela permet aux députés de se prononcer sur les modifications apportées par les sénateurs. Soit ils les acceptent, et les votent conforme (elles sont alors définitivement adoptées), soit ils souhaitent à nouveau les modifier. Le texte va alors en deuxième lecture au Sénat, où il ne reste plus que les modifications que le Sénat a apporté en première lecture et dont les députés n’ont pas voulu. Le Sénat choisi soit de s’incliner et d’accepter finalement, vu la résistance des députés, d’abandonner ce qu’ils avaient décidé en première lecture. Ou alors, ils maintiennent leurs positions.
Au terme de la deuxième lecture, il ne reste plus que les dispositions posant problème. Le gouvernement peut alors décider de réunir une commission mixte paritaire (CMP), avec 7 députés et 7 sénateurs. Cette commission va négocier un compromis qui débouche sur ce que l’on appelle le texte de la CMP. Il est alors demandé aux deux assemblées de se prononcer sur ce compromis. En général, surtout quand les deux assemblées sont du même bord politique, le compromis est trouvé et ratifié.
Ca, c’est la procédure habituelle. Voyons maintenant ce qui s’est passé pour Hadopi.
Du fait de la déclaration d’urgence, la commission mixte paritaire a été convoquée à la fin de la première lecture à l’Assemblée nationale. C’est possible, et depuis 2007, c’est presque devenue la règle, alors que cela devrait être l’exception (mais c’est un autre débat). La CMP a eu beaucoup de travail, car il restait beaucoup de dispositions n’ayant pas fait l’objet d’un vote conforme des deux assemblées. Sur ce texte, les députés et les sénateurs ont eu des positions assez différentes. Cela n’est pas en soi un problème quand il y a une deuxième lecture pour « lisser » le texte et trouver des compromis.
Ce travail de lissage et de recherche de compromis a été effectué par la Commission mixte paritaire, qui sur certains sujet, a coupé la poire en deux. Sur certains points, on a pris la version du Sénat, sur d’autres, celle de l’Assemblée nationale.
Ce compromis été proposé à la ratification des deux assemblées. Le Sénat a ratifié sans problème, par contre, les députés ont refusé de ratifier le compromis proposé par la CMP. Ce « rejet du texte Hadopi » tel que l’on présenté les médias, ce n’est pas le rejet du projet de loi, mais le rejet du compromis élaboré par la CMP.
Les députés ayant rejeté le compromis, on reprend la procédure là où on l’avait laissée. L’Assemblée nationale va donc à nouveau être saisie du texte tel qu’il était à la fin de la première lecture. En cas de rejet du texte de la CMP, la règle veut que les débats reprennent sur la base du texte tel qu’il est sorti de l’Assemblée nationale, mais un peu modifié, car toutes les dispositions qui ont été votées conforme en première lecture sont définitivement adoptées. On repart donc dans l’esprit d’une seconde lecture, où ne restent en discussion que les dispositions où députés et sénateurs ne sont pas d’accord.
Les députés vont donc examiner d’abord le texte, éventuellement l’amender. Puis il sera transmis au Sénat. Si le Sénat n’adopte aucun amendement, l’ensemble du texte sera voté conforme et ce sera la fin du processus. Si jamais les sénateurs veulent apporter des modifications, tout ce qui n’aura pas été voté conforme reviendra à l’Assemblée nationale qui se prononcera en dernier ressort. Nous sommes donc dans un dispositif où les députés sont en position de force car c’est eux qui auront le dernier mot.