
Lu sur « Le Post » du 02 08 2010:
« Sarkozy, fils d’immigré: un échec de l’intégration à la française ? »
Le président veut créer des Français moins français que d’autres. Et si c’était lui qui a un problème avec la France?

« Chaque citoyen français, « calmement épris de sa femme et de sa patrie » (et chaque citoyenne aussi, rassurez-vous, l’emploi de la formule supra est juste destinée aux cinéphiles avertis), chaque citoyen français donc, entretient avec le président de la République, un rapport personnel. De de Gaulle à l’actuel locataire de l’Élysée, j’ai toujours été frappé de voir combien cette fonction inventée par de Gaulle, synthèse de la France des Capétiens et de la Nation de 1789, occupait dans la vie publique une place à ce point prégnante, que nous tous, citoyens, finissons par cultiver une relation particulière avec chaque président de la République. Lui c’est lui, moi c’est moi, mais, par la force des choses, « Il » s’imprègne dans ma vie.
Je prends un exemple simple. Le mien. J’ai aimé, d’un certain point de vue, même ceux que j’ai le plus vilipendé, tous les présidents de la Ve République. J’y ai vu, j’y vois encore des moments français. Chacun d’entre eux, à sa façon, compte tenu de ses qualités, incarna une part de l’esprit français, de son histoire, de sa culture, de ses tradition de ses ambitions. Ils ont été les marqueurs d’une continuité, ne cherchant jamais à rompre le fil de l’Histoire française, et si l’un d’entre eux parla de rupture, cela ne concernait que le capitalisme, pas la France.
De Gaulle fut le président des idéalités nationales, rêvant d’une France plus grande que ne l’est parfois le peuple français, entre France et Concorde, tante Yvonne et baby boom, Charlemagne et Napoléon.
Pompidou fut le président des notabilités paysannes, réinventant le rêve « bien de chez nous » d’une grande France industrielle, entre bon sens paysan et avant-garde branchée, DS et camembert, Colbert et Guizot.
Giscard fut le président des contradictions françaises, ressuscitant une sorte de despotisme éclairé façon république décrispée, entre dîners chez les Français moyens et diamants de Bokassa, Loi Veil et loi Peyrefitte, François Ier et Louis XV.
Mitterrand fut le président des ambiguïtés provinciales, incarnant cette palette des passions françaises qui va du gris clair au gris foncé, entre abolition de la peine de mort et écoutes illégales, Badinter et Tapie, Louis XI et Richelieu.
Chirac enfin, fut le président des fatalismes cocardiers, considérant que les Français savent mieux ce que qu’ils ne veulent pas plutôt que ce qu’ils veulent, entre suppression du service militaire et CPE, Raffarin tout mou et Villepin tout raide, Louis-Philippe et Albert Lebrun.
Depuis 2007, on s’interroge. A qui, à quoi rattacher l’actuel président de la République ? Serait-il capable par exemple, de citer, comme aimaient à le faire de Gaulle et Mitterrand, tous les souverains, tous les régimes, ayant gouverné la France depuis 987 ? Sans doute non. Du reste, depuis des années, on ne compte plus ses saillies contre l’histoire de France, la culture classique, la littérature, les humanités. Comment ne pas voir que cette haine de la France est à l’origine de la disparition sournoise et progressive des programmes d’histoire, de latin, de grec dans les collèges et lycées, le tout sous la houlette de l’ignare Luc Chatel ?
Il n’est pas innocent de constater que l’élu de 2007 proclama son envie de « rupture » tout au long de sa campagne électorale. D’une certaine façon, cela relevait de l’aveu inconscient et montrait surtout que cette volonté de rupture tenait de son histoire psychologique personnelle.
Ce week-end, Philippe Boggio a ironisé sur le site Slate.fr sur le fait que le chef de l’Etat français souhaitait inventer des citoyens français moins citoyens que d’autres, pointant le fait que cette volonté se heurtait au droit fondamental français, entre Constitution de 1958 et Déclaration des Droits de l’Homme de 1789 (entre autres), et soulignant que ce président, fils d’apatride hongrois, était bien mal intégré pour méconnaître à ce point deux siècles d’histoire de la nationalité française. « Pour l’heure, c’est le président de la République qui transgresse la loi. Mal intégré lui-même, ces jours-ci. Heureusement, il ne s’agit pas d’un président 100% français. On peut toujours le renvoyer en Hongrie. Ou en refaire un apatride. »
Ce faisant, Boggio a pointé le vrai problème de celui qui préside aujourd’hui aux destinées de ce pays. Comme le disent parfois les psys, cette obsession de la pureté nationale, des racines, de l’identité révèle vraisemblablement une culpabilité enfouie et niée. Se sentant coupable de ne pas être assez français, de ne pas avoir accompli les efforts nécessaires pour le devenir, de ne pas être à la hauteur de ce pays, de son histoire, l’actuel président, personnalité narcissique pour qui ce sentiment doit être insupportable, se livrerait à un « déplacement ». Se sachant coupable de ne pas être assez français, il inventerait des plus coupables que lui qui ne mériteraient pas de l’être. Haro sur les Roms! Haro sur les immigrés et fils d’immigrés venus d’Afrique! Tous suspects des pires crimes, de l’excision au trafic d’être humains, du meurtre de policier à la polygamie, de la fraude aux allocs au trafic de drogue! Tous présumés coupables parce que moins français que lui au nom de sa restauration narcissique! Terrifiante perspective. »
Source: http://tinyurl.com/363y6pu