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Les travaux de construction de la mosquée de Poitiers ont débuté en août. Le futur lieu de culte sera doté d’un minaret de 22 mètres. Une hauteur qui dérange certains.
La Nouvelle République – dimanche 26 octobre 2008
http://www.lanouvellerepublique.fr/dossiers/journal/pdf/20081026/16586512_JD_86N.pdf
Contexte:
> Le 3 octobre 2003, Jacques Santrot, alors maire de Poitiers, signait le permis de construire de la future mosquée.
> Situé entre la voie ferrée et la rue de la Vincenderie, le chantier a débuté en août dernier. Le gros oeuvre est prévu pour durer huit mois.
> L’édifice, prévu pour accueillir 800 fidèles, comportera un minaret de 22 mètres.
Fin 2009 au mieux, les musulmans de Poitiers auront à leur disposition une mosquée. Une mosquée a part entière et non plus une simple salle de prière aménagée comme cela était le cas depuis le milieu des années quatre-vingt. La salle en question située dans l’ancienne maison du jardinier du jardin des Plantes, rue Guillaume-le-Troubadour, était devenue au fil des ans autant inadaptée qu’indécente. Coincée entre la voie ferrée et la rue de la Vincenderie, la future mosquée qui pourra accueillir quelque 800 fidèles sera dotée d’un minaret. Une tour de 22 m qui s’élèvera dans le ciel poitevin. L’édification de ce premier minaret dans le ciel d’un Poitou très chrétien ne semble pas soulever de polémique. Officiellement et à l’unisson, les personnalités locales se félicitent que les musulmans, à l’égal des fidèles des autres confessions, puissent bénéficier d’un lieu de culte digne de ce nom. Une apparence. Car, sous couvert d’anonymat, le sujet est jugé « explosif » par certains. « Le minaret à cette hauteur, c’est de la provocation », glisse un autre interlocuteur.
L’imam de Poitiers Boubaker El Hadj Amor ne considère « pas opportun d’évoquer le sujet dans la presse. » Ce très influent membre de l’Union des organisations islamistes de France (UOIF) lâche: « II ne faut pas exciter les quelques extrémistes locaux. »

La hauteur de la grue, jusque sous la cabine de pilotage,
préfigure celle du futur minaret dans le paysage poitevin.
Pourtant, malgré des inscriptions injurieuses bombées non loin de la future mosquée, le Poitou n’est en rien comparable à la Vendée que Philippe de Villiers a tenté de mobiliser contre l’érection d’un minaret dans son fief de La Roche-sur-Yon. Ni à tel ou tel canton helvétique dans lequel les initiatives populaires contre les minarets sont monnaie courante. Boubaker El Hadj Amor reconnaît d’ailleurs : « La France est en contact avec le mode musulman depuis bien longtemps. Même les extrémistes ne contestent plus qu’il y a désormais une communauté musulmane française. Le seul combat à mener est celui pour la banalisation de l’islam en France. »
Laïc militant, l’ancien maire PS de Poitiers Jacques Santrot qui a signé le permis de construire en 2003 estime que « le minaret en lui-même n’est pas choquant. » Avant de rajouter : « La seule chose qu’il ne faut pas, c’est qu’il y ait un haut-parleur ! » L’actuel maire PS de Poitiers Alain Claeys ne s’exprimera pas avant d’avoir tenu une réunion de travail avec l’imam. Pour parler de la hauteur du minaret ? « Pour faire le point sur l’ensemble du dossier. »
Abderrazak Halloumi, élu PS, militant associatif spécialiste d’histoire des religions
“ Pourquoi pas un style européen sans minaret ? ”
> Pas de fondamentalisme sur la forme,
« Il ne faut pas être fondamentaliste sur la forme du minaret. Le minaret distingue l’édifice et permet au muezzin d’appeler à la prière. A Poitiers, c’est inconcevable car nous sommes dans un Etat laïc. Le minaret n’est d’ailleurs pas ce qui fonde la mosquée. »
> Se fondre dans l’architecture locale,
« La mosquée est un lieu de culte qui doit être ouvert sur la ville et esthétiquement beau. Elle doit pouvoir se fondre dans l’architecture locale. Il pourrait y avoir un style européen de mosquées. Sans minaret. Ou avec un minaret symbolique comportant seulement une excroissance. Il faut un bâtiment qui n’élève pas sa sacralité. Comme cela existe déjà, par exemple, à Bondy. »
> Une place dans le projet Coeur d’agglo,
« De par sa position de ville-relais entre le nord et le sud, Poitiers devrait avoir une mosquée centrale, une mosquée cathédrale. La mosquée aurait sa place dans le projet Coeur d’agglo. Si on veut un islam à la française, il faut s’en donner les moyens. »
Gilles Morin, secrétaire de la ” Libre Pensée ”
“ Un élément de propagande religieuse ”
> Le minaret regarde les musulmans.
« Nous n’avons rien à dire sur le minaret de la future mosquée. C’est une affaire qui regarde la communauté musulmane. Sauf à dire que si une loi en matière d’urbanisme existe, il faut bien sûr qu’elle soit respectée. Le minaret est fait pour être vu et il est forcément un élément de propagande religieuse. Mais pas plus qu’une église. »
> Aucun argent public ne doit être donné.
« L’aspect du minaret nous est bien secondaire en regard de la question du financement de l’édifice en tant que tel. Nous sommes pour le respect de la loi de 1905. Nous demandons qu’aucun argent public soit donné quelle qu’en soit la forme pour l’édification de ce nouveau lieu de culte. Cela est bien plus important que la question du minaret. »
Boubaker El Hadj Amor, imam de Poitiers
“ Une mosquée digne de ce nom doit avoir un minaret ”
> Aucune envie de choquer ou de heurter.
« A l’origine, le minaret a une fonction d’appel à la prière. C’est un peu comme le clocher d’une église installé le plus haut possible pour être entendu par le maximum de personnes. Dans les pays musulmans. à une époque où la sonorisation n’existait pas, c’était pour faire monter la voix. Aujourd’hui, ne serait-ce que parce que nous n’avons aucune envie de choquer, de heurter, de montrer que l’on envahit, ou de faire réagir les plus extrémistes, le minaret ne servira que comme élément d’ornement et d’appel visuel. »
> Le minaret est un élément marquant.
« Même si l’islam s’adapte à chaque pays et à son architecture, une mosquée digne de ce nom ne peut pas échapper à avoir un minaret. C’est un élément marquant. Celui de Poitiers fera 21-22 mètres, mais il comprendra une partie non visible puisque nous avons un terrain enterré de 7 à 8 mètres. En terme visuel, le minaret ne débordera pas du bâtiment d’une façon choquante ni provocante. »
> La mosquée ne sera pas un espace clos entre musulmans.
« Ce que l’on espère dans un pays comme la France, c’est d’être présents dans la communauté nationale. C’est pour cela qu’il y aura aussi une bibliothèque, une salle de conférences et d’autres éléments. Tout cela dans le but de nous ouvrir sur la communauté nationale. La mosquée ne sera pas un espace clos entre musulmans. Nous espérons que, demain, chaque Poitevin aura l’envie d’aller une fois à la mosquée pour visiter, se renseigner sur l’islam ou la culture musulmane. »