En ce mois d’août, Boulevard Voltaire aura l’honneur et le privilège de faire découvrir à ses lecteurs le dernier livre inédit de Christian Combaz.
Alors que cet ouvrage avait été commandé puis validé par une célèbre maison d’édition, la publication en a brutalement été annulée juste avant les élections présidentielles…
Christian Combaz, merci d’avoir choisi Boulevard Voltaire pour faire connaître ce livre visiblement trop dérangeant pour être publié en période électorale… Vous a-t-on donné une explication ?
Aucune. Je peux même dire que le texte a été relu par un ami de l’éditeur, un magistrat spécialisé dans tout ce qui pouvait « déranger ». Son avis juridique était qu’à part deux adjectifs, rien n’était fâcheux, mais sur le plan idéologique, il en était autrement, selon toute évidence. Donc après quelques semaines d’enthousiasme éditorial (et le matin même d’un déjeuner qui devait nous réunir avec l’attaché de presse), rideau sous la forme d’un coup de fil (« Je vous envoie un email, mais ça ne va pas être possible »). Le courrier qui a suivi disait : « Je vous confirme que je ne suis pas en mesure de publier ce texte, vous pouvez garder l’à-valoir et je vous rends les droits. » C’est un cas rarissime qui confirme l’atmosphère d’autocensure qui règne dans le pays. On ne vous dit pas de la fermer, on vous dit de ne pas l’ouvrir.
Ce livre procède à la fois de l’essai et du témoignage. Pourquoi avez-vous eu envie de l’écrire ?
Parce que l’explication que l’on donne de ce qui nous arrive depuis trente ou quarante ans est systématiquement biaisée pour nous faire avaler une vérité dont nous ne voulons pas. Zemmour parlait de « suicide français » ; à lui seul, ce titre justifie ma réaction : c’est une thèse fallacieuse. Je la récuse, la France n’a pas commis de tentative de suicide, on a organisé son assassinat (raté), qu’on a ensuite déguisé en suicide mais elle bouge encore et elle va porter plainte.
Qui, « on » ? Pour résumer, et c’est là le principal de ma thèse, les Américains, la machine propagandiste culturelle, militaire, économique américaine, qui s’est déchaînée depuis Clinton dans nos médias, nos institutions, nos entreprises. Ils ne pouvaient plus supporter notre indépendance récurrente chatouilleuse, gaullienne, notre souverainisme économique et militaire, il fallait y mettre un terme. Au nom du commerce, d’abord, et puis surtout au nom de l’OTAN. Résultat : trois Présidents français coup sur coup ont été les chiens couchants de l’influence américaine : Nicolas Sarkozy, Hollande et désormais Macron.
Sarkozy, qui a remercié au nom de la France ses amis américains lors du discours de la Concorde dans les deux phrases liminaires de son discours de nouveau Président, avant de nous faire basculer dans le giron de l’OTAN en trois semaines en réduisant nos forces et en remettant les clés à la puissance américaine dans la plupart des domaines. François Hollande, qui a montré sa servilité infâme dans l’affaire syrienne, puis dans le refus du survol de Snowden. Et enfin Emmanuel Macron, dont il est clair qu’il met l’armée à genoux financièrement pour la doter tôt ou tard d’un commandement super-intégré à l’OTAN. Il a invité Trump le 14 juillet uniquement pour donner des gages en ce sens, et il a organisé le démantèlement de notre fleuron nucléaire Alstom au bénéfice d’une puissance rivale, ce qui sera jugé sévèrement demain, et peut-être jugé tout court.
Mais – et c’est surtout là que se trouve la partie témoignage de ce que je raconte – ce mouvement d’allégeance forcée s’est traduit, a été préparé par toutes sortes de démissions culturelles à l’égard de l’Amérique, qu’il s’agisse du programme « Young Leaders », par lequel l’Amérique s’est placée dans les bonnes grâces de nos futurs décideurs (presse, banque, politique), de l’importance croissante donnée à l’anglais à la mythologie sociale américaine, du débordement de commentaires sur les festivals de Deauville et de Cannes à l’importance délirante des cérémonies du Débarquement, au rôle de Canal+ et des séries télé qui acclimatent les jeunes esprits toujours davantage à l’univers social californien pendant qu’on leur présente la province, les traditions, l’Histoire de France, etc., comme ringardes, odieuses et criminelles.
Donc, témoignage, parce que je suis issu du sérail, Jésuites de Paris, Sainte-Croix de Neuilly, préparation de l’École normale à Henri-IV comme Macron, Sciences Po dans les mêmes années que Ségolène Royal, Hollande, etc., Neuilly-sur-Seine pour avoir été résident sous Sarkozy. Témoignage, parce que j’ai longtemps vécu aux États-Unis parmi les décideurs californiens qui nous méprisaient en 1990, et qui étaient contents de voir combien nous étions faciles à rouler dans la farine (Messier).
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