
J’en parlais dans mon précédent billet. La peste verte arrive, sournoisement…
FDF
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Les Frères musulmans montent au front !
D’abord pris de court par le soulèvement, ils se montrent aux avant-postes. Et se voient demain incontournables.
Un jean de bonne facture, des tennis et un polo à rayures. La barbe frise les trois ou quatre jours, et l’after-shave est puissant. Saad Khirat el-Shatr pourrait être un jeune homme de 21 ans comme bien d’autres, si ce n’est son patronyme et son appartenance sociale qui font de lui un être un peu à part, dans le contexte égyptien. Saad Khirat est fils et petit-fils de Frère musulman.
Les fameux Frères musulmans (AlIkhwan, en version originale), la bête noire du régime d’Hosni Moubarak, la peur des gouvernants occidentaux. Les revoilà sur le devant de la scène depuis quelques jours. Pas tout à fait depuis le début de la révolution égyptienne. Car le mouvement islamiste est comme les autorités: il n’a rien vu venir. On peut même dire qu’il s’est méfié. Encore une révolte qui ne mènera à rien, ont-ils d’abord pensé ! Et puis que veulent ces jeunes, ces révolutionnaires de salon qui surfent jour et nuit sur la Toile ? Ils appellent à la révolution, mais laquelle? Absents les premiers jours, les Frères musulmans ont commencé à se montrer ostensiblement au bout du cinquième. Aujourd’hui, ils ont repris la main.
En faisant ce qu’ils savent le mieux faire: aider et pourvoir aux besoins. En nourriture, en eau, en soins, en prières, en forces et en hommes. Les Frères sont des marathoniens, les coureurs de fond que l’on cantonne aux sales besognes: occuper la place Tahrir – épicentre cairote de la contestation–, coûte que coûte, jour et nuit, se placer en première ligne dans les combats. Et s’allier sans broncher aux protestataires de tout poil qui n’ont qu’un objectif : se débarrasser d’Hosni Moubarak. La discussion sur le partage du pouvoir sera pour plus tard.
Chez Ahmad Seif el-Islam al-Banna, le mobilier et la tapisserie sont d’époque. Bloqués sur les années 1970. On imagine aisément que les fenêtres et les volets ne sont jamais ouverts. L’homme qui s’avance, handicapé par une encombrante surcharge pondérale, est le fils du fondateur des Frères musulmans. Son père, Hassan al-Banna, a créé la confrérie en 1928. Très vite, les Frères de l’époque, avec leur tenue caractéristique, gandoura et barbichette, occupent tout l’espace social. Mais ils veulent aussi se mêler de politique. Mauvaise idée. Ils sont interdits en 1957 par Nasser. Sous Anouar el-Sadate, les Frères connaissent un répit, mais une branche dissidente assassine le président égyptien, en 1981. La répression est alors totale, même si le mouvement lui-même avait officiellement annoncé dès 1978 renoncer à toute violence. Hosni Moubarak leur accordera en 1984 une reconnaissance religieuse. Exclusivement.
« Pas question de faire un coup d’Etat »
A 78 ans, Ahmad Seif el-Islam alBanna, « Frère musulman dans la chair et dans le sang« et membre du bureau de l’organisation, martèle que les Frères ne veulent pas gouverner mais participer. « Il n’est pas question de faire un coup d’Etat. Il n’y aura pas de président issu des Frères à la tête du pays. Mais nous tenons à participer au processus politique qui est en train de se mettre en place. » Les mots se font doux à ceux qui veulent bien entendre: démocratie, référendum, respect de la volonté du peuple. « Notre objectif a toujours été de convaincre par le dialogue et non par la force. Le problème aujourd’hui n’est pas l’idéologie ou la religion, mais l’économie et la corruption. » Première force d’opposition du pays, les Frères n’ont pourtant jamais su transformer leur islam social en islam politique.
Retour sur Saad Khirat el-Shatr. Lui pourrait représenter le nouveau Frère musulman, loin de l’image d’Epinal que l’on se fait en général des « Frérots ». Fini la gandoura, les pieds crasseux, les ongles noirs, la barbe touffue ou maigrichonne. La mue de la nouvelle génération s’est opérée à partir de 2005. A cette époque, la protestation gronde dans les rangs. Les jeunes bousculent les vieux. Le temps de l’action est venu. La jeune garde s’empare du politique et joue sur cette ambiguïté d’un mouvement toléré sans être légal. Résultat, les Frères disposent aujourd’hui –officieusement– de 88 députés. On dit qu’ils représenteraient un tiers de l’électorat, soit la première force d’opposition en Egypte. Les nouveaux cadres sont tous éduqués, issus de grandes écoles et bilingues. Comme Saad, qui sait déjà qu’il demandera à aller étudier aux Etats-Unis. Mais avec un tel patronyme – il est le fils de l’un des leaders actuels, Khairt el-Shatr–, comment peut-il imaginer cela? Grand sourire de Saad : « Les Américains nous accueillent à bras ouverts, ils veulent nous “étudier” et sont persuadés qu’ils vont nous retourner! «
Les retourner! Mais comment? Les filles aussi ont pris en marche le train de la modernité. Comme Arwaya, la star des blogueuses chez les « Muslim Sisters« …
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