Belgique:
Alors que les politiciens tergiversent, Karima agit !

Voulant interviewer Karima Safia, présidente de l’ASBL Insoumise et Dévoilée, j’avais rendez-vous au Résidence Palace à Bruxelles le 03 juin où elle tenait une conférence de presse pour présenter le n° vert 0800- 23 243 «S.O.S. Mariage Forcé» attribué depuis le 01 juin à l’association.
L’interview étant programmée après cette conférence de presse, je décidais néanmoins d’y assister. M’y trouvant à 14h00 comme prévu, pas de Karima !
Patientant après que l’on nous aie dit qu’elle était dans les bouchons, j’examine la salle…
Une vingtaine de personnes attendent patiemment, des journalistes, bien sûr, des intéressés et curieux aussi mais pas un seul politicien !
D’un pas décidé, un petit bout de femme entre… C’est Karima ! Elle dit bonjour à toutes les personnes présentes… Un bonjour ponctué d’un bisou à tous individuellement et puis monte au podium et annonce: «Nous allons encore attendre un peu car des personnes sont dans le bouchon d’où je sors!»
Sûre d’elle, énergique, décidée, naturelle, ainsi est Karima, cette marocaine de 34 ans née à Anvers et habitant Verviers qui est fière d’être musulmane comme son compagnon et qui est, depuis deux ans, présidente de l’ASBL Insoumise et Dévoilée créée pour venir en aide aux femmes musulmanes qui veulent quitter leurs époux ou parents afin de… Vivre tout simplement !
BEP: Comment tout cela a t-il démarré ?
Karima: Ayant connu moi-même contraintes et sévices durant ma jeunesse, j’ai fuis et ai écris le livre «Insoumise et dévoilée». Les réactions et témoignages furent nombreux. Je me suis rendue compte que mon cas n’était pas isolé, que des violences intra-familiales liées à des traditions archaïques perduraient encore de nos jours et pas bien loin… Ici en Belgique ! J’ai créé alors l’ASBL pour aider ces femmes.
BEP: Ça n’a pas dû être facile ?
Karima: Oh que non ! Mis à part Monsieur J.F. Istasse qui m’apporta d’emblée son soutien et son appui total, j’avais certes beaucoup de sympathisants mais était seule sur le terrain avec mon portable… Je recevais un appel et je fonçais à la rencontre de la désespérée sans trop me poser de questions et sans savoir comment j’allais gérer !
BEP: Cela a évolué ?
Karima: Oui et même assez rapidement,,, J’ai été rejointe par des personnes ayant vécu mariages forcés, séquestrations, maltraitances liées aux traditions ou même simplement obligation de porter le voile. Ces personnes se battent maintenant tous les jours avec moi pour aider ces filles et femmes a se relever.
BEP: Quel est votre travail concrètement ?
Karima: Venir en aide immédiatement aux filles et femmes qui en font la demande personnellement ou par le biais des autorités (police, hôpitaux) du moment qu’elles déposent plainte… Même contre X si elles ne veulent pas désigner directement un proche mais il faut une plainte officielle afin d’éviter que la famille ne signale officiellement sa disparition car là , vous en conviendrez, ce serait la cata pour elle !
Une fois la fille «libérée», nous la prenons complètement en charge car le travail ne fait en réalité que commencer… Il faut la cacher, la réconforter, lui apprendre ses droits, la guider pour entrer pleinement dans sa «nouvelle» vie de femme libérée… Nous avons actuellement 18 familles d’accueil pour nous aider dans notre tâche.
BEP: Mais il y a des maisons spécialisées pour cela !
Karima: Nous avons essayé à nos débuts avec les centres d’accueil pour femmes battues mais ça n’a pas marché, les filles ne voulaient plus y rester après quelques jours. Ce ne sont pas des cas sociaux et ce sont des musulmanes donc très famille. Oui, il leur faut un nouveau cocon familial pour bien les reconditionner et les faire démarrer dans la vie… J’en ai même une actuellement qui envisage l’université et… Nous allons le faire ! Qu’elle organisation ou centre peut faire ça ?
BEP: Oui mais ça coute! Comment faites-vous ?
Karima: Quelques dons (au compte 068-2500123-72 de l’ASBL Insoumise & Dévoilée, rue Lucien Defays, 10 à 4800 Verviers où les membres paient une cotisation annuelle de 20 €) , une aide de 3000 € de la Région Wallonne et nos deniers à nous, c’est tout !
BEP: Vous n’avez pas de subsides pour une telle œuvre ?
Karima: Nous pourrions peut-être en avoir mais il faut faire des dossiers, les présenter et attendre… Ma petite équipe et moi n’avons pas de temps pour ces démarches fastidieuses. Si vous connaissez quelqu’un qui peut s’en occuper pour nous c’est OK, mais nous, notre énergie et notre temps sont dédiés aux filles qui n’ont pas le temps d’attendre !
BEP: Et les politiciens ne font rien ?
Karima: Ah ceux-là ! Ils apprécient et certains, qui ont vu que notre truc marchait, veulent maintenant se l’accaparer pour faire belle figure.
C’est pour cela que cette conférence de presse a eu lieu aujourd’hui… J’ai eu vent, vendredi, qu’une association allait naître avec n° vert… Nous avons passé tout le week-end a travailler et surtout à chercher les fonds pour la garantie demandée pour l’ouverture d’un n° vert et voilà, c’est fait! On ne sait pas encore comment on va payer les factures mais, qu’importe, nous sommes les premiers officiels et tant mieux pour les filles !
BEP: Pourquoi ?
Karima: Si ils tentent de faire quelque chose, croyez-moi, il vont droit dans le mur ! Ce sont avant tout des musulmanes et qui veulent le rester… Il faut connaître leurs coutumes, leur religion et ne pas perdre de vue, encore une fois, que ce ne sont pas des cas sociaux au sens propres du terme. Non, ce sont des filles qu’il faut, bien sûr, sauver mais surtout suivre, aider, consoler et rediriger après, et ce, 24h00 sur 24… Qui d’officiel va s’engager dans un tel sacerdoce ?
BEP: Tu n’a pas été courtisée en vue des prochaines élections ?
Karima: Oh que si par plusieurs! Comme j’ai répondu à Madame Lizin: «Ça ne m’intéresse pas, j’ai autre chose de bien plus important a faire et si ça m’intéresse un jour, je ferai mon parti !»
BEP: Dans tes photos sur Facebook, on te vois pourtant aux côtés de personnalités de toutes les couleurs politiques !
Karima: Non! Ce sont eux qui sont à côté de moi! Que voulez-vous ? Ils sont friands de clichés en ma compagnie quand ils sont présents à un de mes meetings, mais, sachez-le, et eux aussi, Insoumise et Dévoilée est apolitique et le restera !
BEP: Ils n’y en avait pas aujourd’hui !
Karima: Bein non ! Et alors ?
BEP: Il n’y avait même qu’une vingtaine de personnes !
Karima: Je ne veux pas attirer les foules ni les simples curieux, je veux juste des convaincus de ma cause et il y avait même une journaliste venue de France… Pas beau ça ?
BEP: Si, tout à fait ! Et, outre financièrement, vu que là ils sont peu nombreux a vous aider, côté collaboration comment ça va ?
Karima: Parfait! Services de police, acteurs sociaux, psychologues, médecins, juristes, avocats, Madame Michèle Dupuis (Égalité des Chances), Madame Clérin (substitut du Procureur du Roi), Madame Wilret (Procureur du Roi) et même… Un Imam car, non, notre religion musulmane, le Coran, ne parle pas de toutes ces pratiques que beaucoup lient aux arabo-musulmans.
BEP: Des anecdotes ?
Karima: Là nous sommes partis pour la nuit ! Mais à mes débuts, j’ai téléphoné à 10 médecins de la région de Verviers en disant: «Je suis musulmane, ma fille ne peut pratiquer la gymnastique ni la natation, je voudrais un certificat pour l’année»… Le premier m’a demandé mon adresse pour me l’envoyer sans visite ni honoraire et 7 sur les 10 m’ont dit oui pour un certificat de complaisance refusé, donc, par 3 seulement dont 1 d’origine marocaine! J’ai signalé cela à l’ordre des médecins et n’ai jamais eu de réponse !
BEP: Une dernière question Karima: «Crois-tu à l’intégration ?»
Karima: Le problème est faux ! Nous en sommes à la 3ème génération présente ici, les filles dont je m’occupe sont nées ici… Il faut arrêter de laisser encore venir des restes de familles qui se recomposent en vase clos chez-nous et tout ira bien. Aussi simple que ça !
Nous aurions pu continuer encore mais il ne m’est même pas possible de retranscrire tout ce qui a été dit tant Karima a dit de choses et en a encore a dire! Une autre fois, peut-être, mais quittons pour cette fois ce petit bout de femme oh combien sympathique non sans qu’elle nous présente deux jeunes filles qui l’accompagnaient… Oui, deux des dernières des 184 que Karima a sauvées et qui nous racontent leurs histoires en pleurant… Séquestrée, attachée au sol, battue par son frère, violée, mariée avec son cousin ou avec un arabe en mal de papiers,… Oui, cela se passe encore journellement ici, en Belgique, en vertu d’une prétendue dictature familiale islamique archaïque et c’est contre cela que se bat et se battra toujours et encore Karima !
Raymond Euchamps
source : lebreakevenpoint.be