INTERDICTION DU VOILE INTÉGRAL. La mission Gerin rend son rapport au président de la République mardi. Pas de consensus. Pas de choix très clair entre loi et résolution.

- Selon un rapport du ministère de l’Intérieur, 2 000 femmes porteraient le voile intégral.(afp)
- NDLR: comme tous les chiffres émanant des hautes instances, à se faire confirmer…
«Je suis réticent en tant que citoyen à l’idée que les pouvoirs publics s’occupent de la façon dont on s’habille, ou alors ils doivent s’occuper aussi de la façon dont on se déshabille. Que disent-ils des publicités de femmes nues pour les 4 × 4 ? » Les propos du cardinal André Vingt-Trois, archevêque de Paris, qui ne passe pas spécialement pour un prélat égrillard, donnent le ton de la lassitude que provoque la façon dont les politiques, en particulier, hystérisent ce débat sur le port du voile intégral et tentent de manipuler une opinion publique qui a d’autres sujets de préoccupation en tête.
C’est ce mardi que la mission parlementaire présidée par le député communiste du Rhône et ancien maire de Vénissieux André Gerin remet le rapport au président de la République. Créée le 23 juin dernier, elle a multiplié les auditions sans qu’au dernier jour aucun consensus politique ait été dégagé. Cette mission a bien permis de donner lieu à un grand remue-méninges juridique sur les valeurs de la République ; en revanche, personne ne propose de s’attaquer aux causes de l’apparition dans quelques villes françaises de ces fantômes en plein jour.
Quel nombre de femmes ?
Les Français sont 57 % à être favorables à une loi interdisant le port de la burqa en France, selon un sondage Ipsos pour « Le Point ». Pour autant, savent-ils combien de femmes seraient concernées ? La police nationale, après avoir avancé des estimations non vérifiables, ne les a pas validées.
La sous-direction de l’information générale du ministère de l’Intérieur aurait gardé secret un rapport selon lequel cette pratique concerne moins de 2 000 femmes. Un rapport de la Direction centrale du renseignement intérieur avait fait état, cet été, de 367 femmes.
Selon Jacky Cordonnier, historien des religions, spécialiste des sectes, « cela concerne à tout casser 500 personnes ». Reste que, sur le principe, l’utilisation dans l’espace public du voile intégral paraît antirépublicain, contraire au principe d’égalité de l’homme et de la femme, et encourage chez certains groupes salafistes prosélytes la tentation de tester la fermeté de la France dans la défense de la laïcité.
La plupart des imams sont unanimes : le port du voile intégral n’est pas une prescription religieuse. « Sur le plan religieux, observe Tareq Oubrou, imam de la mosquée de Bordeaux, le port du voile intégral n’est basé sur aucun texte du Coran. En plus, c’est une attitude paradoxale. On se cache pour se montrer. On se montre pour se cacher. Ce n’est pas une pratique sérieuse. »
Même écho chez Mahmoud Doua, imam de la mosquée de Cenon, sur la rive droite de la Garonne, dans la banlieue de Bordeaux, qui dénonce une « logique sectaire et d’enfermement ».
Un ghetto
Sihem Habci, présidente de Ni putes ni soumises, ne s’y est pas trompée en insistant devant la commission sur les deux volets de la question : le droit des femmes et la ségrégation. « En portant le voile intégral, a-t-elle lancé, on se balade avec son ghetto. C’est la séparation des populations, et ça, c’est fondamental. »
La plupart de ceux qui condamnent le port de cette tenue qui exclut et sépare sont d’accord pour l’interdire. « Mais comment le faire efficacement, avance Jean-Michel Quillardet (lire son interview ci -dessous), sans rajouter à cette farce qu’est le débat sur l’identité nationale ? »
C’est précisément le prétexte qu’ont saisi les parlementaires PS membres de la commission Gerin pour annoncer qu’ils ne voteraient pas le rapport – « pas tant que durera ce débat sur l’identité nationale ». Ils ont aussi mis en cause les « oukases de Jean-François Copé » (NDLR : président du groupe UMP à l’Assemblée), qui a selon eux – mais aussi selon un certain nombre des députés de son bord – torpillé le débat en annonçant qu’il déposerait un projet de loi avant la remise du rapport. Celui-ci propose donc une résolution qui affirmerait les grands principes républicains et, pour ce qui est de l’accès aux services publics, une loi. La balle est dans le camp de Nicolas Sarkozy. NDLR: Ahhhhhhhh, ça va, alors, on se sent mieux…
Source: sudouest.com